mardi, 14 février 2012 12:52

Logique de la nouvelle évaluation des "enseignants"

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…qui n’enseignent plus !

Beaucoup de remous en ce qui concerne le remaniement de la notation du personnel enseignant concocté par le Ministère. Pourquoi cette remise en cause d’un principe de notation qui existait depuis toujours? Y aurait-il une justification à ce remaniement ? et...pourquoi ces remous ? 

 Jusqu’alors, traditionnellement,  les enseignants étaient soumis à une double notation :

. Une notation administrative annuelle, attribuée par le chef d’établissement, appréciant le comportement général, la ponctualité, la régularité, l’autorité morale…

. Une notation pédagogique  attribuée par  un inspecteur  formé dans la discipline des collègues inspectés ; bien que cette notation fût réalisée  à une fréquence à géométrie variable tous les 2,3,4, 5 ans,  cette  dernière notation était la plus importante en ce qu’elle déterminait l’avancement de carrière de l’enseignant qui , en fonction de la note attribuée et  suite à la réunion d’une commission annuelle, était promu à l’ancienneté ou « choix ».

 C’est donc dire que ce système appliqué jusqu’à ce jour, privilégiait surtout la  notation du professeur oeuvrant dans sa classe dans sa discipline d’enseignement, l’efficacité avec laquelle il dispensait le savoir et la formation intellectuelle primant sur les autres considérations ;  cette évaluation permettait donc à l’enseignant d’avancer « au mérite » dans une échelle de rémunération franchie plus ou moins rapidement en fonction des notes obtenues.Dans son principe, le système est cohérent.

 Le Ministre prévoit changer le système de notation des enseignants, indiquant « vouloir améliorer le système d’évaluation pour qu’il soit plus juste, qu’il prenne en compte l’engagement des enseignants et qu’il ait un impact plus important sur leur carrière ».

 A première vue, rien de choquant quant aux objectifs affichés et, pour concrétiser ces objectifs, les projets ministériels prévoient la fin de cette traditionnelle double notation  pour instaurer, à la place, une évaluation  des enseignants lors d’un entretien  avec leur « supérieur hiérarchique direct - le chef d’établissement - et cette évaluation déterminerait l’évolution des salaires.

Il n’apparaît pas non plus choquant que le supérieur hiérarchique immédiat puisse apprécier, ce que l’on pourrait appeler,  la qualité du travail car, c’est évidemment la traduction que l’on est tenté d’en faire.

 A… seconde vue, il en va tout autrement. En réalité,  l’institution scolaire – publique et privée sous contrat - est en train de disparaître, étant l’objet d’une « refondation » complète aboutissant à la transformer  en lieu de vie où  ni le savoir, ni la formation intellectuelle ne sont dispensés – plus de cours, plus de transmission des savoirs -  mais où l’enfant, l’adolescent – vont être censés construire leur savoir à travers des activités diverses et variées pour lesquelles les « enseignants » sont obligatoirement reconvertis en accompagnateurs de projets d'élèves : il s’agit donc d’une révolution complète de l’exercice de leur métier pour lequel les critères d’appréciation sont forcément changés.

Dans ces conditions, la notation pédagogique attribuée par l’inspecteur qui appréciait la qualité de l’enseignement dispensé et  déterminait l’avancement dans la carrière des enseignants,  n’a plus sa place du tout et le transfert  de l'appréciation des enseignants- qui-n'enseignent-plus sur les chefs d’établissement est logique.

Mais... que va apprécier le chef d’établissement et comment ?

Comme l’a indiqué le Ministre de l’Education, le chef d’établissement va noter  « l’engagement » des  enseignants- qui-n’enseignent-plus - et non pas une compétence disciplinaire, bien entendu!

Il est vrai qu’il y a ambiguité sur le mot « engagement » : on pourrait légitimement penser qu’il s’agit d’apprécier une conscience professionnelle dans le cadre de cours dispensés mais en réalité, il s'agit d'apprécier la capacité des enseignants-qui-n'enseignent-plus à s’investir dans des activités diverses et variées en rapport avec le projet d'établissement et les projets d'élèves subséquents.

Et comment vont être appréciés les enseignants-qui-n'enseignent-plus ? au cours d’entretiens d’individualisés censés évaluer leur mérite ! En clair, cette nouvelle évaluation est surtout destinée à valoriser ceux qui s’investissent dans ces nouveaux délires pédagogistes et à faire pression sur les enseignants récalcitrants à cette « révolution copernicienne » , à vaincre la résistance de ceux qui voudraient encore s’aventurer à assurer des cours, refusant de n’être que de simples accompagnateurs de projets d’élèves.

Les  « enseignants-qui-n'enseignent-plus » seront donc soumis à un entretien avec leur chef d’établissement dont imagine facilement l’issue : « entrant dans le bureau du chef avec leurs idées, ils devront en ressortir avec les idées du chef ! » Ce système est donc un nouvel outil destiné à disposer d’un corps « non-enseignant » en réalité, docile à ces réformes. 

De plus, la suggestion faite est celle d’une mesure qui permettrait d’améliorer la qualité du corps professoral et le public perçoit cette nouvelle évaluation comme étant salutaire, et la grogne des enseignants injustifiée. alors que ce type d’évaluation n’est pas destiné à apprécier des résultats – comme il se doit dans une institution scolaire - mais des moyens – comme dans un centre d’activités et de loisirs - obligeant le corps enseignant à œuvrer d’un façon telle qu’elle détruise l’essence même de l’institution scolaire. Il s’agit donc d’une mesure qui aboutit au résultat inverse de celui que pressent et souhaiterait le public : un modèle de désinformation bien menée.

C'est cela, en réalité, et aussi le système dans sa globalité , que les enseignants contestent. Dans ce système  éducatif en pleine "refondation", cette modification de la notation des  enseignants-qui-n’enseignent-plus est incontournable et parfaitement logique et a de quoi susciter leur révolte, mais  aussi  la nôtre! nous tous, tous les Français! car à travers la destruction de l'Ecole, c'est la destruction de notre civilisation qui est induite.

 

 

 

 

Lu 10679 fois Dernière modification le vendredi, 13 juillet 2012 14:32